La résiliation du bail d'un locataire par le syndicat de copropriété
Article 1079 du Code civil du Québec
L'article 1079 du Code civil du Québec permet de doter les syndicats de copropriété d’un recours significatif pour protéger les intérêts des copropriétaires en cas de troubles causés par un locataire dans l’immeuble qu’il administre :
1079. Le syndicat peut, après avoir avisé le locateur et le locataire, demander la résiliation du bail d’une partie privative lorsque l’inexécution d’une obligation par le locataire cause un préjudice sérieux à un copropriétaire ou à un autre occupant de l’immeuble.
Cette disposition permet donc aux syndicats de copropriétaires de prendre des mesures définitives pour mettre fin à des comportements nuisibles qui affectent la qualité de vie des résidents de leurs immeubles, que ceux-ci soient des copropriétaires ou même d’autres locataires.
Quelques décisions :
En 2021, dans la décision du Tribunal administratif du logement Syndicat 365 Saint-André c. Chaouche, le juge administratif Luk Dufort accueillait la demande du syndicat de copropriété en vue de résilier le bail d’un des locataires pour des troubles causés à la jouissance paisible des autres occupants de l'immeuble, notamment des vols de colis. La preuve présentée par le syndicat, y compris des vidéos montrant le locataire en train de commettre les actes incriminés, a été jugée convaincante. Le Tribunal a conclu que le locataire avait violé ses obligations envers les autres occupants de l'immeuble et a ordonné son expulsion de l’unité louée par le copropriétaire.
Toutefois, plus récemment, dans la décision Syndicat de la copropriété Roccabella c. Hazout, le juge administratif Alexandre Henri, maintenant juge à la Cour du Québec, rejetait la demande de résiliation du bail d’un locataire, introduite par le Syndicat de copropriété. En effet, le Tribunal constatait que les preuves fournies par le Syndicat étaient insuffisantes pour établir de manière convaincante les troubles allégués. Le Tribunal soulignait ainsi l'absence de témoignages directs ou d'autres éléments probants démontrant que les comportements du locataire concerné avaient causé un préjudice sérieux aux copropriétaires voisins.
Cette décision souligne la nécessité pour les syndicats de copropriété de présenter une preuve claire et convaincante de l'existence de troubles et de préjudices causés par le locataire pour obtenir gain de cause devant le Tribunal administratif du logement.
Notons aussi une autre décision rendue en 2021 quant à la demande de résiliation d’un syndicat de copropriétaires, dans laquelle la juge administrative Marylin Trudeau concluait qu'il n'existait pas de contrat de bail entre la copropriétaire et sa fille et son conjoint qui vivaient dans son unité . Par conséquent, le tribunal déclinait sa compétence juridictionnelle, puisque l’existence d’un bail est déterminante pour accorder la compétence au Tribunal administratif du logement afin d’adjuger une telle demande de résiliation par un syndicat de copropriété, en vertu de l’article 1079 Code civil du Québec.
Un fardeau de la preuve exigeant
Pour obtenir la résiliation du bail entre un copropriétaire-locateur et son locataire, un syndicat de copropriété devra donc faire une preuve convaincante du préjudice subi par les voisins et les autres occupants de l’immeuble. Cela implique de démontrer que le locataire visé par cette demande de résiliation a commis des violations sérieuses de ses obligations contractuelles ou légales, causant ainsi un préjudice sérieux aux autres copropriétaires ou aux autres occupants de l'immeuble.
Ce fardeau de la preuve nécessite généralement la présentation d'éléments de preuve solides, tels que des témoignages, des documents, des enregistrements vidéo, ou tout autre moyen permettant d'établir de manière claire et probante les comportements fautifs du locataire, et la fréquence ou la gravité de la nuisance qu’il génère dans l’immeuble. Le syndicat doit également démontrer que les troubles occasionnés par le locataire sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du bail et qu’ils ne sont pas des nuisances normales que les voisins peuvent tolérer, surtout dans un contexte d’immeuble avec de nombreux voisins, comme une tour de plusieurs étages avec beaucoup d’allers et venues. Les règles applicables à l’immeuble en matière de copropriété et celles de la déclaration de copropriété devront aussi être rappelées au tribunal pour étayer la preuve ainsi présentée.
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