Application récente de l'article 1074.2 du Code civil du Québec
Une décision récente de la Cour du Québec, Division des petites créances, tranche un cas de responsabilité partagée à la suite d’un dégât d’eau entre deux unités dans un immeuble détenu en copropriété divise : la portée extracontractuelle de l’article 1074.2 du Code civil du Québec est combinée avec la responsabilité contractuelle prévue dans la déclaration de copropriété.
Bris d’un appareil sanitaire dans une unité privative
Le régulateur de pression d’eau situé dans l’unité d’un couple de copropriétaires se brise et la fuite d’eau qui en résulte endommage l’unité située en dessous. En vertu de son intérêt assurable dans l’immeuble, incluant les parties privatives, le syndicat de copropriété décide alors de payer pour les travaux de réfection de l’unité endommagée, sans faire de réclamations à son assureur, le coût des travaux étant inférieur à sa franchise.
Bien que le couple de copropriétaires reconnaît que leur régulateur d’eau est situé dans leur partie privative et demeure à leur usage exclusif, ils prétendent cependant ne pas être responsables du bris puisqu’ils n'ont commis aucune faute dans l'entretien et l'utilisation de ce régulateur. Selon eux, c’est plutôt le constructeur de l’immeuble qui a livré leur unité qui devrait être tenu pour seul responsable, le bris de leur régulateur d’eau étant dû à un vice de construction.
Dans son analyse, le tribunal conclut que le syndicat peut réclamer le coût des réparations au couple de copropriétaires car le montant est inférieur à la franchise d'assurance. L'article 1074.1 du Code civil du Québec prévoit que le syndicat peut en effet décider de ne pas utiliser son assurance en cas de sinistre, et dans ce cas, il peut demander le remboursement de ces sommes auprès des copropriétaires.
La responsabilité des copropriétaires
Le tribunal applique l'article 1074.2 du Code civil du Québec, qui traite de la responsabilité des copropriétaires envers le syndicat en cas de sinistre. Selon la preuve retenue, le tribunal conclut que les copropriétaires n’ont pas commis de faute. Bien qu’ils soient les gardiens du bien et que le fait autonome de ce bien explique les dommages subis par l’unité voisine, ils ont agi comme des personnes prudentes et diligentes. Il leur était impossible de prévoir le bris de leur régulateur d’eau, un équipement qui faisait défaut dans certaines autres unités de l’immeuble.
La déclaration de copropriété de l’immeuble reprend les principes soutenus par l'article 1074.2 C.c.Q., et le couple de copropriétaires n'a donc pas à payer pour les réparations à l'unité endommagée.
Le tribunal constate qu’avec cet article, le législateur a voulu introduire des concepts relevant du régime extracontractuel dans la relation entre le syndicat et les copropriétaires, ce qui est inhabituel car cette relation est généralement contractuelle en raison de la déclaration de copropriété, qui est le contrat constitutif de la copropriété et règle l’administration de l’immeuble par le conseil d’administration et l’assemblée des copropriétaires d’un syndicat.
Cet article crée donc une coexistence entre deux régimes de responsabilité généralement distincts. Son interprétation les combine : d’une part, le tribunal applique la déclaration de copropriété, qui reprend les principes de l'article 1074.2 C.c.Q ; d’autre part, il importe également les présomptions du régime de responsabilité extracontractuelle pour déterminer si le couple de copropriétaires est responsable de ce sinistre, ce qui n’est donc pas le cas en l’espèce.
Syndicat de la copropriété 50 rue des Seigneurs c. Allard, 2023 QCCQ 4457 (CanLII).
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