Droits acquis et sécurité de votre immeuble

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Chaque propriétaire d’immeuble le sait bien : les règlements municipaux peuvent être parfois complexes et constituer un enchevêtrement de règles à respecter. Ces règlements peuvent aussi être modifiés, annulés, substitués par d’autres, sans nécessairement que vous en soyez informés à chaque fois.

Face à cette situation, il est toujours utile de se rappeler que votre immeuble peut bénéficier de droits acquis, en raison de sa localisation, de son usage antérieur et de sa date de construction ou des travaux qui l’ont transformé.

La théorie des droits acquis permet donc d’invoquer qu’un règlement municipal ne s’appliquera pas à votre immeuble, car celui-ci existait et était occupé antérieurement à l’entrée en vigueur de ce règlement. L’usage antérieur de l’immeuble peut alors déroger à ce règlement si cet usage était légal et réel avant que le règlement ne soit adopté, et s’il s’est toujours poursuivi sans interruption significative (c'est-à-dire que l’usage antérieur n'a pas cessé et n'a pas été abandonné).

Le propriétaire de l’immeuble devra alors faire valider son droit acquis auprès de la municipalité concernée, par exemple en obtenant un permis de construction ou un certificat d’occupation. 

Limites des droits acquis

Toutefois, certaines normes réglementaires en matière de construction (par exemple, des escaliers), de prévention des incendies (par exemple, l’installation de gicleurs) ou encore de sécurité publique empêcheront l’application des droits acquis à votre immeuble. 

C’est ainsi que le tribunal a rejeté la cause d’un propriétaire qui refusait de se conformer à une nouvelle réglementation de sa municipalité l’obligeant à clôturer la piscine extérieure de son immeuble. Bien que cette piscine fût utilisée sans clôture avant cette nouvelle règlementation, la Cour supérieure rappela que l’objectif de la sécurité des personnes de ce règlement était impératif et prévalait largement sur cet usage antérieur. Le propriétaire eut donc l’obligation de se conformer et de clôturer sa piscine extérieure (Théroux c. Municipalité du village de Stukely-Sud, 2005 CanLII 28767 (QC CS)).

Un BBQ coûteux

Dans un autre dossier, le locataire d’un logement était poursuivi par trois compagnies d’assurance pour l’incendie d’un immeuble après avoir cuisiné avec un barbecue au charbon. Après utilisation, le sac de charbon fut rangé dans une remise située sur le balcon de son logement.

Bien que les experts en sinistre aient conclu que le point de départ de l’incendie était ce sac de charbon dans la remise, l’emplacement de cette remise contre l’immeuble contrevenait à un règlement d’urbanisme de la Ville de Montréal, qui oblige à l’installer à une distance minimale de trois mètres d’un immeuble. L’objectif de ce règlement, adopté par l’ensemble des arrondissements de la Ville de Montréal, est la sécurité des biens et des personnes, en raison de la recrudescence d’incendies de cabanons et de remises.

En raison de l’objectif de sécurité de ce règlement municipal, les compagnies d’assurance ne pouvaient pas démontrer que l’immeuble du propriétaire-assuré bénéficiait d’un droit acquis de maintenir une remise sur le balcon contre l’immeuble. Cette contravention réglementaire entraina alors un partage de responsabilité dans l’incendie entre le propriétaire-assuré et son locataire. Ce dernier, représenté par l’auteur, eut donc la possibilité de régler cette poursuite pour une fraction minimale du montant de plusieurs centaines de milliers de dollars exigé par les assureurs.

En tout temps, il est essentiel de se conformer aux règlements municipaux qui s’appliquent à votre immeuble et à vos biens. Si vous risquez probablement une amende de votre municipalité en raison d’une contravention à une disposition réglementaire, vous pourriez également engager votre responsabilité lors d’évènements aux répercussions beaucoup plus graves... À bon entendeur!

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Gilles G. Krief